Sarah Zürcher – “Discours photographique” comme usage critique

« Dans une époque qui nie l’existence même de la société, dénoncer le scandale d’une connexité du monde de plus en plus grotesque, dénoncer le broyage sans pitié qui se poursuit  inlassablement sous la surface lisse et liquide des marchés, c’est se mettre dans la position du nageur océanique, accordant ses mouvements à la houle, oreille submergée à chaque inspiration, écoutant le grondement des pierres qui roulent au fond de l’eau. Insister sur la pratique sociale c’est simplement s’immerger avec une idée en tête[1] ».

Allan Sekula

  Chronique #1

“Discours photographique”

Si, pour Allan Sekula, la critique naît de l’usage de la photographie, cet adage s’«ancre» tout aussi précisément au cœur même de l’exposition «Caméra(Auto)Contrôle». Cette dernière dépeint une fresque sociale et politique, forçant le spectateur à développer une méthode d’analyse. Le « regardeur » est amené à décrypter minutieusement, non seulement les œuvres et leur dispositif d’exposition, mais surtout le fonctionnement d’une société en proie à son automatisation et à un système de contrôle toujours plus imperceptiblement totalitaire. La caméra et les ordinateurs ont ici supplanté l’œil et la faculté d’analyse de l’être humain, pour ne devenir que machine. Vidé de presque toute présence humaine, ce monde serait-il réellement voué à sa propre disparition ? Ou est-ce davantage une tentative de réconcilier la machine au potentiel créatif de l’être humain. Est-ce finalement la naissance d’un nouvel activisme social ?

La pluralité de médiums 

La triennale genevoise « 50 JPG » – 50 jours pour la photographie à Genève -, intitulée cette année «Caméra(Auto)Contrôle», se présente comme une encyclopédie, constituée d’infinis fragments, que le spectateur réapprend à déchiffrer et à lire. En proposant une pluralité de médiums, passant de webcam, à des installations multimédia et à des photographies, «Caméra(Auto)Contrôle» dévoie consciemment le spectateur de son objectif. Il l’amène finalement à s’interroger sur la raison de ce foisonnement d’images dans un contexte précis, celui aussi de l’univers panoptique, dont l’obscure transparence se fait de plus en plus invisible. «Caméra(Auto)Contrôle» se réfère entre autres à la « Psychopolitique : Le Néolibéralisme et les nouvelles techniques de pouvoir » du philosophe Byung-Chul Han, mais aussi au panoptique de Jeremy Bentham et à son architecture carcérale[2], et à Michel Foucault dans “Surveiller et Punir”, la question centrale reste certainement à savoir quelle est notre relation à la machine – si celle-ci est à son tour conditionné par le modèle panoptique numérique – et, subséquemment, quel est notre rapport au pouvoir.

Les installations reflètent parfois un montage expérimental qui rappelle les stratégies utilisées dans « Dissambled Movie », un film en pièces détachées que Sekula explore dans deux œuvres « Gallery Voice Montage » de 1970 – assemblant des enregistrements de conversations et deux toiles vierges, des monochromes – ou encore « Aerospace Folktales » de 1973. A ce titre, les dispositifs d’exposition présentent une pluralité de médiums, confondant images photographiques  aux vidéo stills et allant d’un montage filmique au livre comme l’atteste l’œuvre de Aram Bartholl, « Forgot Your Password » (2013), démultipliée en huit tomes tel un dictionnaire encyclopédique. Ces propositions s’étendent même à la peinture acrylique « I am not on Facebook » (2009) de Gianni Motti, à l’échafaudage avec caméras CCTV , « Regarde » (2009), de Jimmie Durham ou encore à des portraits sculpturals reconstitués en 3D à partir de traces génétiques, – des mégots de cigarettes, par exemple -, trouvées dans des espaces publics , intitulés « Stranger Visions » (2012-2014), de Heather Dewey-Hagborg.

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Jimmie Durham,« Regarde » (2009), Gianni Motti, « I am not on Facebook » (2009)

«Caméra(Auto)Contrôle», allie avec finesse cette privation de liberté du monde du travail, faisant glisser la sphère intime dans un univers technocratique contrôlé et contrôlable. C’est avec cette même justesse que Allan Sekula répondait à Marie Muracciole « Comment inventons-nous nos vies à partir d’un petit nombre de possibles, et comment nos vies sont-elles inventées pour nous par ceux qui ont le pouvoir ? [3]». Seulement la question qui prédomine aujourd’hui, est de savoir qui a le pouvoir. La nouvelle révolution industrielle est fondée sur l’usine intelligente, caractérisée par « une interconnexion des machines et des systèmes au sein des sites de production, mais aussi entre eux et l’extérieur (clients, partenaires, autres sites de productions) », participant à la notion peu sécurisée de Big Data dont la visée analytique est appelée Big Analytics ou « broyage de données » (voir note n°5, se référant à IdO ou IoT).

Les moyens technologiques élaborés dans cette exposition correspondent à l’Industrie 4.0[4], favorisant transparence et innovation proposés par les nouvelles générations de développeurs de logiciels et ne se réfèrent plus qu’à un univers technocratique. Le concept d’Industrie 4.0 organise les moyens de production. Les usines sont dites « intelligentes » (« smart factories ») et s’adaptent à des ressources et à des rendements plus efficaces dans la chaîne de  production grâce à Internet (faisant « communiquer les chaînes de production et les objets entre eux ou de simuler des process, des flux logistiques ou encore des crashs tests de véhicules »). Ce concept reflète une nouvelle révolution industrielle dont les bases technologiques sont l’ »Internet des objets » (IdO ou IoT)[5]  et les « systèmes cyber-physiques » (CPS)[6]. Les usines du futur cherche à « transformer le flot matériel en flot d’information » et « le produit communique avec l’objet qui le fabrique[7] ». Avec une production massifiée, toute trace humaine est balayée. Certains maillons de la chaîne production s’autorégule pour ne faire subsister à certains moments que des artefacts labellisés aux apparences pseudo individualisés – la mode et les marques comme Adidas ou Nike ont entièrement assimilé ces principes – décrit dans « La  société de consommation » de Jean Baudrillard – lesquels sont récupérés aussi bien dans les chaînes de production que de distribution, ceci de manière à les multiplier à l’infini à l’échelle mondiale.

Chronique # 2

Du concept panoptique et de l’histoire de la photographie criminelle à l’ IA (Intelligent Agent)

Le discours politique et esthétique se construit heureusement toujours à partir du réel et participe à des récits entre reportage et fiction.

«Caméra(Auto)Contrôle» met  en abyme ce montage qui permet d’aborder une approche fictionnelle et “forensic” – judiciaire – de cet univers. Le spectateur, tel un détective, pénètre ici la matière pour ne pas dire la chaîne de production ainsi que la performance spatiale et temporelle du lieu.  Les artistes donnent à voir l’archive, le catalogage mécanique réalisé par la caméra ou les artefacts de la surveillance qu’ils reconstruisent ensuite esthétiquement. Cette succession d’images ouvre des possibilités infinies en matière de significations et de sens pour aboutir non seulement à une “économie de l’imaginaire”, mais également à une alternative de la pratique curatoriale[8].

Parallèlement, l’objectivité de l’image mécanique qui produit ce catalogage automatique propose dans un deuxième temps une relation indicielle et esthétique, qui, avec la construction d’un imaginaire, dénonce les rapports de force et les pouvoirs en place.

Il n’est pas non plus étonnant de découvrir dans cette exposition « Caméra(Auto)Contrôle », l’œuvre de Harun Farocki, « Gefängnis Bilder » (Prison Images) de 2000 ou celle de Jonas Staal « Closed Architecture » (projet basé sur un concept de Fleur Agema) de 2011 (qui est une aménagement urbanistique à l’image de son fort), ou encore le « Pavillon du contrôle » de Guillaume Désanges et de Michel François de 2013. Ces derniers notent que « tandis que la vidéosurveillance s’est généralisée dans les villes, alarmes, caméras, micros, puces RFID*, dessinent un nouvel urbanisme fondé sur le monitoring généralisé [9] ».

Ce monde est au final supplanté par l’intelligence artificielle au goût amèrement orwellien. L’être humain pourrait-il être surveillé de manière à le préprogrammer et à être supplanté par un I.A. (Intelligent Agent) ? Nos démocraties feraient-elles subrepticement place à une dictature du numérique ? Grâce au reformatage de la société, une nouvelle oligarchie mondiale telle une « puissance mutante » prendrait-elle chaque jour davantage le contrôle sur nos existences grâce à un espionnage s’alliant au Big Data (Google, Apple, Facebook, Amazon ou même SAP etc.) et aux services de renseignement à une échelle planétaire.

A cet égard, il est également intéressant de mentionner l’exposition « Burden of Proof: The Construction of Visual Evidence » conçue entre autres par Eyal Weizman et Diane Dufour ou encore l’installation « Forensic Architecture » présentée par les mêmes auteurs à la biennale de Venise, cette même année. L’intention est d’y examiner dans un contexte géopolitique le rôle de la photographie avec l’évolution des technologies digitales, en y incluant les prises de vue par satellites et par drones.[10] Cette systématique compulsive annoncé dès la fin du XIXe siècle, renvoie à l’avènement d’une nouvelle ère, qui est aujourd’hui celle des caméras de surveillance, des passeports biométriques, des fichages numériques, de la géolocalisation ou encore des logiciels de reconnaissance d’images comme le propose Google.

La question de la profusion d’images et  de cette entropie informationnelle liée au « Big Data », est à relever. Je reviendrai plus tard sur la notion de catalogage d’images, de bibliothèque infinie et d’indexation qui repose également sur l’aspect fragmentaire des savoirs encyclopédiques qui prend son essor au XIIIe siècle. C’est à cette même époque que naît un positivisme scientifique, allié à la rationalisation bureaucratique des pouvoirs existants[11]. Toutefois, il est à se demander quelle est la fonction de l’image photographique, de l’art face à la dictature du numérique? Comment comprendre une œuvre photographique au XXIe siècle ? Ne faudrait-il pas davantage interpréter «Caméra(Auto)Contrôle», « comme Freud lit un rêve, en faisant jouer condensations et déplacements»[12], note Thierry de Duve. Le curateur, Joerg Bader, aime effectivement à faire sortir le « regardeur » de sa rêverie et de sa torpeur, pour mieux le plonger dans une pensée consciente, ici et maintenant. C’est avec un redoutable pragmatisme, qu’il le confronte à un constant chassé-croisé entre déplacements et condensations, entre images abstraites et concrètes, entre pensées et rêves conscients et inconscients. Une nouvelle société se met en place, de nouvelles valeurs sont à inventer, la culture et la création ont  plus que jamais un rôle central à jouer. L’homme n’est heureusement pas encore mis à nu, programmé et sans mémoire comme certains aiment à le dénoncer.

 

Jonas Staal, "Closed Architecture", 2011, Rubens Mano, "Análise de sistemas", 2013

Jonas Staal, “Closed Architecture”, 2011, Rubens Mano, “Análise de sistemas”, 2013

Chronique #2

Récits polyphoniques et temporalités multiples

« Inter-processualité » et mouvement

Les séquences indicielles alliées à la polyphonie de médiums révèlent des récits, issus de reportages, d’indices algorithmiques, de films et de photographies etc. Les temporalités y sont également multiples. Qu’elles soient anticipatoires, instantanées et mémorielles, les images créées en temps réel, produisent entre elles des relations indicielles. Elles acquièrent un potentiel narratif qui permet de faire monde et dont le sens apparaît lors de jonctions de séquences futures. Ces relations « ne peuvent être comprises qu’en recourant à l’abstraction, dans un mouvement qui s’élève du concret à l’abstrait et redescend vers le concret [13]». Et comme le mentionne Gail Day dans « La poétique transitive d’Allan Sekula », ce système d’évitement est tout aussi stratégique en économie politique au XIXe siècle et rappelle par là-même la méthode de Marx dans les « Grundrisse[14] » (1857-1861). Elle permet de dénoncer la fracture sociale et les contradictions qui est au cœur même du capitalisme.

A ceci s’ajoute le souci de l’indexation et de cette recherche de  l’entre-deux, que William Kentridge nomme ‘creative prevarication’, une forme de collusion entre le réel et l’imaginaire qui cherche à transgresser la réalité. Cette dialectique entre présent et passé, pensée et matière, monde et imagination, est au centre des recherches de l’artiste qu’il dépasse par ce jeu d’un « entre-deux », cette mise en relation d’un processus ouverts avec des formes fermées qui peut être appelé « inter-processualité ».

Dans ce mouvement de va-et-vient, ce n’est pas non plus « le passé qui éclaire le présent ni le présent qui éclaire le passé[15] », mais bien ce télescopage entre passé et présent, que souligne Walter Benjamin dans le “Livre des Passages”. Aller vers un lieu de potentialités qui le situe obligatoirement dans le temps présent, c’est la permanence de ce présent à travers les nouvelles technologies que «Caméra(Auto)Contrôle» cherche à rendre compte. Ce même mouvement fait écho à celui des webcams dans l’exposition filmé par Rubens Mano, « Ânalise de Sistemas » de 2013, qui pivotent sur elle-même de manière automatique et rivalise avec l’œil du spectateur, confrontant en temps réel son humanité augmentée.

Encyclopédie : le montage séquentiel fragmentaire

A l’instar de Jules Spinatsch, l’oeuvre qu’il présente dans «Caméra(Auto)Contrôle»,  y est exemplaire. L’artiste n’insère pas des fragments dans un tout plus vaste, il évite de placer les relations entre le tout et ses parties sur un même plan. La trajectoire concret-abstrait-concret – comme la netteté-imprécision-netteté de l’image – met en jeu des articulations, mais également des glissements d’un niveau de lecture à l’autre, afin de déstabiliser un décodage artificiel ou automatisé. L’idée du «montage séquentiel» est au centre de son activité. La construction active qu’en fait le spectateur met à distance les images mises en scène dans un dispositif d’exposition. Ces images ne sont pas faites pour être comprises comme des images individuelles, mais comme une séquence narrative soigneusement montée.

Cet intérêt pour les séquences s’articule de la même façon autour des index et des archives qui renvoient aux écrits de Charles Sanders Peirce et de ses modes de fonctionnement de la signification et de son rapport triadique entre signe, objet et interprétant. Jules Spinatsch travaille par exemple à partir de la relation indicielle qui accompagne utilement la lecture du processus et aussi sur les possibles de raisonnement par soustraction ou par évitement, en opérant une sélection affinée de ses stills. Dans « Inside SAP 1 & 2 » de Jules Spinatsch de 2015/2016, ce choix est aussi conditionné par le travail d’un logiciel qui annule les points de vue enregistrés par la caméra qui ne détecte plus que les transitions ou les mouvements dans un espace.  Là, il est question de travailler sur les interactions entre les processus pour dégager la notion d’ « inter-processualité ». Les diverses relations indicielles entre les objets et les processus, tout comme cette interconnectivité séquentielle programmée par l’artiste, proposent un travail plastique en soi, qui est au cœur du dispositif d’exposition de « Caméra(Auto)Contrôle». C’est là aussi que la poétique développée par Allan Sekula prend toute sa dimension, en reliant différents registres et glissant de l’un à l’autre. « Les relations sociales réifiées sont d’une certaine manière invisibles à l’empirisme ordinaire » avançait Allan Sekula. Ce dernier souligne ainsi le fait que les liens qui s’en dégagent, n’ont pas seulement pour objet une contextualisation sociale, culturelle ou historique, mais bien poétique.

Chez les artistes de «  Caméra(Auto)Contrôle », leur mode de raisonnement cherche non seulement à reconstruire les faits, mais aussi à élargir la notion d’aléatoire, la sérendipité, dans un monde en constante fluctuation, comme le fait un collectionneur de livres, additionnant et soustrayant un recueil à son ensemble. Si la construction et la lecture de l’œuvre fait en quelque sorte écho à une bibliothèque, les artistes élaborent de cette façon des repères, des structures, qu’il organise et construisent telle une grille dont la géométrie donne paradoxalement un caractère bureaucratique. Ils sondent ce territoire de conflits, confrontant un espace subjectif, qu’il soit virtuel ou réel, à des structures sociales autoritaires. La performance « algorithmique » n’est plus qu’une cage qui circonscrit et définit certes, mais contient son occupant et permet de l’observer sans risque. 

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Viktoria Binschtok, Heather Dewey-Hagbord, Jules Spinatsch

Index, stratification de sens et enveloppe

Cette capacité à décrire le monde, à « faire monde » et à concilier index et connaissances, participe à la justesse des oeuvres, se jouant des stratégies d’associations et de (dé)construction de sens. Faire œuvre et même photographier fonctionnent comme une immense archive et un réservoir qui auraient besoin de sédimenter en couches successives posées non pas hiérarchiquement, mais déployées analytiquement en plan-séquences.

L’ « inter-processualité » procède d’un système de montage subjectif et d’accumulation qui offre une nouvelle modalité de récit à l’œuvre dans la nouvelle pièce du collectif_fact « No Picture, No Glory or the Triumph of Apophenia » de 2016. L’acte de création est ainsi conditionné par la mise en place de stratification et de sens. Construire, déconstruire, démonter, monter, archiver, sélectionner les traces du temps, produire un processus d’accumulation et de stratification du sens en couches simultanées et désordonnées, transforment ce(s) récit(s) en un atlas constellaire, tels des fragments cosmiques. Par ressemblances, « correspondances » ou par oppositions, la polyphonie des médiums et son dispositif d’exposition génèrent à son tour une multiplication ou des possibilités de multiplication et des narrations qui s’inscrivent précisément dans cette exposition.

Telle une enveloppe, elle offre au spectateur des séquences quasi filmiques condensées dans un même lieu et dans un même temps. C’est aussi comme si le spectateur-lecteur parvenait à un livre ouvert, prêt à déchiffrer son langage.

Comme le disait Mallarmé en un vers» « que rien d’autre n’aura eu lieu que le lieu, excepté peut-être une constellation ». (…).[16]

Les mots y sont donc disposés de telle sorte qu’ils fassent jaillir aux yeux du lecteur une constellation, un vaisseau…

« RIEN

de cette mémorable crise/ ou se fût

l’événement accompli en vue de tout résultat nul

humain

N’AURA EU LIEU/ …QUE LE LIEU…

dans ces parages/ du vague

en quoi toute réalité se dissout

EXCEPTé/ …PEUT-ÊTRE/ …UNE CONSTELLATION

froide d’oubli et de désuétude

Pas tant/ qu’elle n’énumère

Sur quelque surface vacante et supérieure

Le heur successif/ sidéralement

D’un compte total en formation » (10, II)[17]

 

[1] Allan Sekula, “Entre les mailles du Net et la grande bleue”, in: Titanic’s Wake, Le Point du Jour, 2003, page 14

[2] Une tour au centre d’un bâtiment permet de contrôler l’ensemble des activités des détenus. Les gardiens sont invisibles, mais ils surveillent à tout moment chaque mouvement des prisonniers. Aujourd’hui, les caméras, ordinateurs et logiciels de contrôle remplacent les gardiens de nuit et le contrôle n’a plus besoin d’être effectif pour être efficace. C’est cette invisibilité qui confère un caractère omniscient à ce projet architectural, adoubé de ses outils numériques.

[3] Marie Muracciole et Olivier Lugon, “Ecrits sur la photographie – Allan Sekula », éditions Beaux-Arts de Paris, 2013, p.24

[4] Selon Wikipedia, le concept a été mis en évidence pour la première fois lors la foire de Hanovre (salon de la technologie industrielle) de 2011. En 2013, un rapport décrivant le concept a été présenté par un groupe de travail transdisciplinaire à la foire de Hanovre.

[5] IdO ou IoT (pour Internet of Things en anglais) représente, selon Wikipedia, « l’extension d’Internet à des choses et à des lieux du monde physique. Alors qu’Internet ne se prolonge habituellement pas au-delà du monde électronique, l’internet des objets connectés représente les échanges d’informations et de données provenant de dispositifs présents dans le monde réel vers le réseau Internet. L’internet des objets est considéré comme la troisième évolution de l’Internet, baptisée Web 3.0 (parfois perçu comme la généralisation du Web des objets mais aussi comme celle du Web sémantique) qui fait suite à l’ère du Web social. L’internet des objets revêt un caractère universel pour désigner des objets connectés aux usages variés, dans de nombreux  domaines grâce au Big Data. L’internet des objets est en partie responsable d’un accroissement exponentiel du volume de données générées sur le réseau, à l’origine du Big Data.
 Selon une équipe de l’ETH de Zurich avec les smartphones puis un nombre croissant d’objets connectés, en dix ans (2015-2025) 150 milliards d’objets devraient se connecter entre eux, avec l’internet et avec plusieurs milliards de personnes1. L’information issue de ce Big Data devra de plus en plus être filtrée par des algorithmes complexes, ce qui fait craindre une moindre protection des données personnelles, une information des personnes et de la société de moins en moins autodéterminée notamment en cas d’appropriation exclusive de filtres numériques par des entités (gouvernementales ou privées) qui pourraient alors manipuler les décisions. L’équipe de l’ETH plaide donc pour des systèmes d’information ouverts et transparents, fiables et contrôlés par l’utilisateur ».

[6] CPS est un système cyber-physique un système dit embarqué est un réseau d’éléments informatiques en interaction. Selon Wikipedia,toujours, « La notion est étroitement liée aux concepts de la robotique et des réseaux de capteurs. Les progrès dans les sciences et l’ingénierie permettront d’améliorer le lien entre les éléments de calcul et physiques, augmentant considérablement la capacité d’adaptation, l’autonomie, l’efficacité, la fonctionnalité, la fiabilité, la sécurité et la facilité d’utilisation des systèmes de cyber-physique ».

[7] « Preuve en est avec l’usine miniature du DFKI : Un produit en cours de fabrication, en l’occurrence un badge en plastique, est équipé d’une puce RFID qui envoie directement des informations aux quatre machines de la chaîne de production qui le fabrique. C’est l’objet lui-même qui leur indique en quelle couleur le peindre, que graver dessus et en quelle langue écrire les instructions ».

[8]  Allan Sekula relève dans « On “Fish Story”: The Coffin Learns to Dance » (voir note n°13) que « My first solution is to organise pictures sequentially. The photographic sequence is an alternative to the dominant institutional model for organizing photographs in re-sortable groups : the curatorial and bureaucratic model of the archive and the series. Sequences can in fact contain series, can even be organized from the interweaving of serial elements, but the opposite is not the case.  (…) »

[9] Description de l’oeuvre : “Surveillance, contrôle et protection, autrefois privilège des systèmes autoritaires, se sont largement démocratisés. L’espionnage civil bénéficie de l’association de la vidéo, de l’informatique, de la localisation par satellite, et d’une caution morale depuis le 11 septembre 2001. (…). Tandis que la vidéosurveillance s’est généralisée dans les villes, alarmes, caméras, micros, puces RFID, dessinent un nouvel urbanisme fondé sur le monitoring généralisé ». (RFID, de l’anglais “Radio Frequency Identification”, marqueurs appelés “radio-étiquettes” récupère des données à distance),

[10] De l’archivage retraçant les recherches et les investigations de Alphonse Bertillon à Archibald Reiss aux études du crâne de « Mengele » par Richard Helmer aux images de satellites réalisées par les drones, cette question des archivages et catalogages est essentielle pour comprendre notre contemporanéité. Elle décrit l’histoire passionnante de la criminologie avec l’identification par la photographie policière. Que ce soit Bertillon avec sa classification statistique ou Galton, qui porte un soin du détail optique dans ses investigations,  cette systématique compulsive annonce l’avènement de logiciels comme le logiciel de reconnaissance d’images que propose aujourd’hui Google.

[11] Comme l’est le temple des archives, la “Library of Congress”, qui empilent des classifications et ressemble lui-même à une architecture panoptique.

[12] Thierry de Duve « Jeff Wall : peinture et photographie », in : La confusion des genres, Bibliothèque nationale de France, Paris, 2003, p.46.

[13] Allan Sekula, « On “Fish Story”: The Coffin Learns to Dance », Camera Austria International, no 59/60, 1997, p. 49.

[14] Karl Marx, Introduction générale à la critique de l’économie politique [1857], dans Œuvres. Philosophie, trad. M. Rubel et L. Evrard, Paris, Gallimard, 2003, p. 235-237.

[15] Walter Benjamin, « Paris, Capitale du XIXème siècle, le Livre des Passages »,  Ed. Cerf, 2006, p. 479

[16] Stéphane Mallarmé, « Un coup de dé jamais n’abolira le hasard », 1897, édition spéciale, Facsimile Gallimard, Paris

[17] Op. cit.