Context

F Au début de cette année, Apple Computer a célébré les 30 ans d’existence de sa série Macintosh. Le spot publicitaire pour son lancement en 1984 terminait avec cette inscription sur l’écran de télévision : On January 24th, Apple Computer will introduce Macintosh. And you’ll see why 1984 won’t be like “1984”. Apple nous garantissait que la vision d’un monde totalitaire contrôlé par des écrans-caméras posés à tous les coins de rue, tel que l’écrivain et fervent défenseur de la république en Espagne durant la guerre civile, George Orwell, avait décrit en 1948, n’avait pas de fondement ! Et en effet, 1984 n’était pas «1984»!

 

E At the beginning of this year, Apple celebrated the 30th anniversary of its Macintosh series. The commercial for its launch in 1984 ended with this text scrolling up the television screen: On January 24th, Apple Computer will introduce Macintosh. And you’ll see why 1984 won’t be like “1984”. Apple was promising us that the vision of a totalitarian world monitored by cameras on every street corner that had been described in 1948 by George Orwell, the writer and fervent champion of the republic in Spain during the civil war, had no foundation” And indeed, 1984 was not “1984”!

 

F 30 ans plus tard (à peu prêt le temps qui sépare 1948 de 1984), le monde entier apprenait grâce aux révélations d’Edward Snowden, que Apple, Google, Facebook, Yahoo! et Microsoft laissaient leurs serveurs en libre accès à la NSA, les services secrets des USA! Nous voilà un peu plus proche de “1984”!

E 30 years later (not far off the interval between 1948 and 1984), the entire world learnt, through the revelations of Edward Snowden, that Apple, Google, Facebook, Yahoo! and Microsoft were giving the US secret services, the NSA, free access to their servers! So here we are a bit closer to “1984”!

NSA Headquarters, Fort Meade, Maryland

NSA Headquarters, Fort Meade, Maryland

F Pour l’anecdote, selon les investigations de la Radio Télévision Suisse publiées le 11 juin 2013, Edward Snowden à vécu au 16 quai du Seujet pendant la durée de son emploi pour la mission de la CIA auprès des nations Unis à Genève.

E As a point of interest, according to research by Radio Télévision Suisse published on 11 June 2013, Edward Snowden lived at 16 quai du Seujet throughout his employment for the CIA at the US mission to the United Nations in Geneva.

Quai du Seujet, photographie réalisé par Jules Spinatsch avec une webcam et exposée au CPG dans l’exposition CHERCHE APPARTEMENT en 2013.

Quai du Seujet, photographie réalisé par Jules Spinatsch avec une webcam et exposée au CPG dans l’exposition CHERCHE APPARTEMENT en 2013.

F Trois ans auparavant, la même la Radio Télévision Suisse diffusait le 4 décembre 2010 dans son journal de 19h30 la nouvelle suivante: « En Grande-Bretagne une entreprise propose aux internautes de contrôler, depuis leur salon, les images vidéos des petits magasins ». En surveillant sur son écran d’ordinateur, le délateur le plus éfficace, dont beaucoup sont à la retraite, peu gagner une récompanse de 1000 £. « Interneteyes » est le nom de l’entreprise qui a lancé ce concours. Nous voilà encore un peu plus proche de “1984” ! En mai 2012, certains journaux comme le Los-Angeles-Times et der Spiegel, révèlaient un scandale de “Google Street View“. Contrairement à ce que Google avançait il semble certain, selon les fuites d’un ingénieurs, que l’entreprise se servait des “Google cars“, surmontées d’une caméra, pour entrer dans les réseaux Wi-Fi des maisons photographiées pour le service “Google Street View“ et ainsi en capter des données. Une autre astuce qui dépasse l’imagination de l’auteur de “1984“ !

E Three years earlier, on 4 December 2010, the same Radio Télévision Suisse broadcast the following item on its 7.30pm news bulletin: “A company In Great Britain is proposing that internet users monitor CCTV camera images from small shops from their living rooms”. These informers, many of them retirees, can win rewards of up to £1000 for watching their computer screen. The name of the firm that launched this scheme is Internet Eyes. And so we come closer still to “1984”! In May 2012, several newspapers, including the Los Angeles Times and Der Spiegel, revealed a scandal with “Google Street View”. Contrary to what Google was saying, it seems certain, according to leaks from an engineer, that the company was using its street-mapping cars mounted with cameras to collect personal data from the home Wi-Fi networks of households photographed for the Google Street View service. Another trick that goes beyond the imagination of the author of “1984”!

F Aujourd’hui, au Royaume-Uni, suite aux attaques de l’IRA dans les années 70 et après un renforcement dans l’année 90, on compte près de 4 millions de caméras de surveillance dans l’espace public. L’installation de la Closed- Circuit-Television (CCTV) dans l’espace public, lancée en 1942 par Siemens AG en Allemagne nazi pour observer le lancement des fusées V-2, est devenu une pratique courante, principalement dans les pays occidentaux. Ainsi en Suisse par exemple, le réseau RER de Zurich est équipé avec plus de 6’000 caméras, autant dans les trains que dans les gares. L’administration de la ville de Zurich contrôle ses habitants avec environs 2’500 caméras tandis qu’à Genève une initiative citoyenne permettait de compter en 2012 environs 1’360 caméras CCTV dans l’espace public. Nous nous approchons encore plus des visions décrites dans “1984”!

E Today in the UK, following the IRA attacks in the 70s and a huge increase in coverage from 1990, nearly 4 million video surveillance cameras monitor people in public areas. The installation of closed-circuit television (CCTV) in public areas, first used in 1942 by Siemens AG in Nazi Germany to observe the launch of V-2 rockets, has become common practice, mainly in western countries. In Switzerland, for example, the Zurich commuter train system is equipped with over 6000 cameras, both on trains and in stations. Zurich’s city authorities monitor its inhabitants with around 2500 cameras, while in Geneva a citizen’s initiative in 2012 produced a count of some 1360 CCTV cameras in public spaces. We are getting even closer to the visions described in “1984”!

F Le phénomène du contrôle des citoyens par des caméras de plus en plus miniaturisées ne cesse de prendre de l’ampleur, au point que nous avons complètement intériorisé le slogan affiché dans des parkings et autres lieu sombres «SOURIEZ, VOUS ÊTES FILMÉ» même si nous sommes plus facilement prêts à sourire pour nos propres caméras.

E The phenomenon of citizen monitoring with increasingly miniaturised cameras continues to grow, to the point that we have completely internalised the slogan displayed in car parks and other dark places, “SMILE YOU’RE ON CAMERA», even if we are rather keener on smiling at our own cameras.

Alison Jackson

F Le point de départ de l’exposition CAMÉRA(AUTO)CONTRÔLE est le constat que dans la suite des régimes de contrôle par caméra interposée (supermarchés, gares, parkings, places public, aéroports, shoppingmall, transports public) une intériorisation de ces regards anonymes, a débouché sur un contrôle de nous-même par nous-même, toujours par caméra interposée. C’est le passage de l’un à l’autre, du régime de contrôle par des caméras anonymes autant public que privé, à l’autocontrôle par nousmême, que l’exposition CAMÉRA(AUTO)CONTRÔLE voudrait mettre en avant, en proposant des oeuvres d’artistes qui se servent autant de dispositifs du contrôle anonyme, tels les CCTV, que des possibilités de l’autoreprésentation, voir de l’autocontrôle avec des Smartphones et autres Go-Pros. Il va de soit que ce n’est pas l’outil en soit qui est à louer ou à condamner, tout dépend toujours de ce que les hommes et les femmes en font. Pour l’équipe curatorial il s’agit donc aussi de sonder un état mental, une disponibilité de notre part à rendre visible, surtout à travers les réseaux sociaux, nos vies à des quantités inimaginables d’êtres anonymes. C’est un phénomène que les sociétés de masse n’ont jamais connu. Se soumettre délibérément dans son intimité à des regards de personnes que nous ne connaissons pas, peut être analysé comme la suite logique des 30 dernières années qui ont vu se développer une vraie industrie du contrôle par la CCTV. Voilà ce que George Orwell n’avait pas prévu dans son livre et pourquoi nous ne sommes pas en “1984” mais ailleurs.

E The starting point of the CAMÉRA(AUTO)CONTRÔLE exhibition is the observation that, as a consequence of the networks of surveillance cameras (in supermarkets, stations, car parks, public spaces, airports, shopping malls, and on public transport) our internalisation of these anonymous watchers has resulted in us monitoring our own selves, still with cameras. It is this transition from one to the other, from a monitoring system by anonymous cameras, both public and private, to us monitoring ourselves, that the CAMÉRA(AUTO)CONTRÔLE exhibition wishes to highlight, through the work of artists who use both anonymous monitoring devices, such as CCTV, and the possibilities of self-representation, or even self-monitoring with Smartphones and GoPros. It is self-evident that it is not the tool in itself that is to be commended or condemned, it all depends on what men and women do with it. For the curatorial team, it was also about examining a mental state, our own willingness to make our lives visible, especially on social networks, to unimaginable numbers of anonymous people. It is a phenomenon never known before by modern mass societies. Deliberately exposing one’s private world to the eyes of people we do not know can be analysed as the logical consequence of the last 30 years that have seen the development of a veritable industry of CCTV monitoring. This is what George Orwell did not foresee in his book and it is why we are not in “1984” but somewhere else.

Selfie posté sur son propre blog par Lindsey Mills, ex-amie d’Edward Snowden

Calendrier 2011 des étudiants de la faculté de médecine de l’université de Genève