Libération – Par Amaelle Guiton — 17 juin 2016 – INTERVIEW Julian Assange

INTERVIEW Julian Assange : «Les agences de renseignement ont une vision politique limitée, mais un appétit de surveillance illimité»

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“Le problème n’est pas que les Etats s’espionnent entre eux, il est que les Etats-Unis et leurs alliés des «Five Eyes» [alliance de renseignement entre les Etats-Unis, le Royaume-Uni, le Canada, l’Australie et la Nouvelle-Zélande], qui se considèrent comme une sorte d’empire du renseignement, ont des capacités si énormes, comparées à celles des autres pays, que ces capacités deviennent dominantes. Et ce n’est pas sain au plan géopolitique. Cela rend paranoïaques les pays qui ont moins de moyens. En matière de surveillance des populations, ce niveau intense de surveillance est une menace pour la démocratie, parce que l’équilibre démocratique qui jugule le pouvoir de l’Etat peut être bouleversé. La surveillance de masse des populations est une menace pour la sécurité nationale, une menace pour la nature démocratique d’une nation.”

“Je n’ai pas dit que je soutenais à 100 % le Brexit, mais que c’est de ce côté que je penche, d’un point de vue personnel – WikiLeaks n’a pas de position. Mon analyse, c’est que le Royaume-Uni est mauvais pour l’Union européenne, et que l’Union européenne est mauvaise pour le Royaume-Uni. Le Royaume-Uni empêche l’Europe continentale d’être ce qu’elle pourrait devenir. Les Etats-Unis le perçoivent de cette manière, c’est pourquoi on voit Hillary Clinton, Barack Obama ou d’autres «transatlantistes» exercer un tel lobby pour que le Royaume-Uni reste dans l’Union européenne. Pour eux, cela permet aux Etats-Unis de garder une sorte de «droit de veto» à l’intérieur de l’Europe. Du côté du Royaume-Uni, les gouvernements successifs sont à l’origine de certaines des pires législations issues de Bruxelles, et ont par exemple poussé à l’adoption du mandat d’arrêt européen sans garanties – cela m’a personnellement affecté, mais aussi des milliers d’autres personnes dans ce pays – ou aujourd’hui au Tafta [le Traité de libre-échange transatlantique, ndlr]. Et le gouvernement utilise l’Union européenne comme une excuse pour ce qu’il ne peut pas faire. C’est une forme de blanchiment politique qui réduit la responsabilité démocratique dans ce pays.”